Réactif en synthèse, l'hydrazine fut le premier propergol d'avion à réaction et doit sa gloire à l'aventure spatiale, en attendant le véhicule propre.

L’hydrazine, de formule développée NH2–NH2est, à température ambiante, un liquide très semblable à l’eau avec laquelle il est miscible. C’est une diamine qui a une odeur ammoniacale assez prononcée, mais c’est une base moins forte que l’ammoniaque. De masse moléculaire M = 32, l’hydrazine est liquide au dessus de 2 °C et bout à 114 °C. On trouve l’hydrazine parmi les métabolites de certains champignons et dans la production de quelques bactéries.

La première synthèse a été réalisée par Theodor Curtius en 1889. Une variante est l’oxydation de l’urée selon le procédé Olin-Raschig employant l’hypochlorite de sodium (cf. Eau de Javel) :

(H2N)2 C=O + NaOCl + 2 NaOH ———> N2H4 + H2O + NaCl + Na2CO3|

Au milieu du XIXe siècle, le procédé industriel PCUK, maintenant pratiqué par ARKEMA, passe par l’oxydation par le peroxyde d’hydrogène (H2O2) de l’imine issue de la réaction de l’acétone avec l’ammoniac qui conduit à l’hydrazine après une succession d’étapes mettant en œuvre l’ammoniac puis l’eau. L’intérêt de ce procédé est l’absence de déchets salins, l’acétone étant régénérée en fin de réaction.

L’hydrazine est un intermédiaire dans la synthèse de plusieurs médicaments notamment des antituberculeux et de quelques colorants renfermant une structure hétéocyclique. En synthèse organique, l’hydrazine est utilisée dans la réduction de Wolff-Kishner, une réaction qui transforme le groupe carbonyle d’une cétone ou d’un aldéhyde en méthylène ou groupe méthyle. Dans un premier temps, l’hydrazone est formée en présence d’un acide protonique. Dans un deuxième temps, l’action d’une base sur cette hydrazone induit un réarrangement qui s’accompagne d’un dégagement de diazote :

RR’C=O + NH2NH2 ———> RR’C=NNH2 ———> RR’CH2 + N2|

En tant que réducteur, l’hydrazine est très appréciée, car ses produits d’oxydation sont simple le diazote et l’eau. Elle a été utilisé comme anti oxydant et inhibiteur de corrosion dans les chaudières et les eaux des circuits de chauffage, mais elle est maintenant remplacée par la diéthylhydroxylamine, moins toxique. En milieu électrolytique, l’hydrazine réduit les sels métalliques. On l’utilise aussi pour la séparation du plutonium des autres radioéléments contenus dans les déchets nucléaires. D’autres applications comme en production des fibres d’élasthanne, comme catalyseur de polymérisation, de flux pour le soudage des métaux, ont vu progressivement le jour. Ses sels comme les nitrates, les chlorates, sont explosifs. L’astrolite, mélange de diméthyl-1,1-hydrazine et de nitrate d’ammonium est un explosif soufflant.

L’hydrazine fut utilisée comme carburant pour fusées à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour les avions Messerschmitt Me 163 (le premier avion de chasse à réaction), sous le nom de B-Stoff (en fait, de l’hydrate d’hydrazine). Ce B-Stoff était mélangé à du méthanol (M-Stoff) pour donner du C-Stoff, lequel était utilisé comme carburant avec du T-Stoff, peroxyde d’hydrogène à 80 %, au contact duquel il s’enflammait spontanément en une réaction très énergétique.

Actuellement, l’hydrazine est un propergol toujours utilisé dans les fusées en mélange avec l’hydrazine (Aerozine 50) et en combinaison avec le peroxyde d’azote N2O4. C’est ce mélange qui a permis les décollages depuis la Lune… L’hydrazine est également employée seule comme monergol dans les moteurs à faible poussée (mais de grande précision) permettant le positionnement sur orbite des satellites, des navettes et sondes spatiales. Dans ce cas, la poussée est assurée par décomposition catalytique de l’hydrazine et non par combustion. Cette décomposition au contact d’iridium déposé sur alumine ou de différents composés du molybdène :

3 N2H4 ———> 4 NH3 + N2
et
4 NH3 + N2H4 ———> 3 N2 + 8 H2

est très rapide : la température monte en quelques millisecondes à 800 °C et fournit un très grand volume de gaz chauds pour de faibles quantités d’hydrazine.

Moteurs spatiaux Navette : tuyères de positionnement|Ariane 5 : 3ème étage (EPS)| Le laboratoire mixte CNRS-Université de Lyon-CNES-SNPE (Isochem) est spécialisé dans la recherche des composés de l’hydrazine très purs pour les lanceurs spatiaux et la recherche de systèmes à haut potentiel énergétique HEDM (High Energy Density Materials), notamment les dérivés méthylés (méthylhydrazine employée pour le 3e étage d’Ariane 5, diméthyl-1,1-hydrazine, UDMH, propergol de la fusée russe Proton) et leurs dérivés multiazotés.

Une société japonaise a développé une nouvelle pile à combustible en utilisant l’hydrazine comme combustible à la place de l’hydrogène. Elle utilise des catalyseurs bien moins coûteux (Ni, Co) et des membranes plus simples, avec des produits de réaction qui sont N2 et H2O, donc sans CO2, e apporte une puissance améliorée et un stockage liquide plus facile que celui de l’hydrogène.Hélas, la toxicité de l’hydrazine, poison au-delà d’une certaine concentration et corrosif pour les tissus biologiques, nécessite de bloquer l’hydrazine sous une forme non dangereuse…: à suivre ?

Pensée du jour
«L’hydrazine dans l’espace comme Zinédine sur le terrain peuvent vous envoyer au 7e Ciel»

Sources 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hydrazine
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hydrate_d’hydrazine
http://fr.wikipedia.org/wiki/Réduction_de_Wolff-Kishner
http://fr.wikipedia.org/wiki/1,1-diméthylhydrazine