Chimiste et physicien connu pour ses études sur les propriétés des gaz, Gay-Lussac fut célèbre en son temps pour son record d'ascension en ballon qui tint plus de cinquante ans.

Louis Joseph Gay-Lussac, est né le 6 décembre 1778 à Saint-Léonard de-Noblat, plus précisément dans le hameau de Lussac ce qui explique son nom composé qu’il adopta en 1803. Fils d’un avocat du roi et procureur du roi à Saint-Étienne et juge du Pont-de-Noblac, il fut envoyé pour ses études dans un pensionnat parisien et reçu en 1797 à École polytechnique. Gay-Lussac y est choisi comme chef de brigade en 1799 et donne des leçons particulières de mathématiques afin de gagner un peu d’argent en plus de sa solde. Il en sort en 1800 en qualité d’élève-ingénieur des ponts et chaussées.

Gay-Lussac avait été remarqué par Claude Louis Berthollet, le professeur de chimie pratique et appliquée aux arts de l’École polytechnique : il devient préparateur auprès de lui dès 1800, renonçant à ses fonctions de chef de brigade et débute ainsi sa brillante carrière de chimiste et de physicien (on ne parlait pas encore de physico-chimistes…). Ses premiers travaux (1801-1802) l’amènent à conclure que « {les volumes égaux de tous les gaz augmentent également avec la même augmentation de la température ». En d’autres termes…

V = V0[1 + α(T-T0)]

…où α dépend de la pression P0. Cette loi n’est qu’approchée aux « hautes » pressions. Mais on constate que, lorsque la pression P0 tend vers zéro, ce coefficient tend vers une valeur universelle, indépendante du gaz, égale à l’époque à 1/267 : Lord Kelvin s’en servit par la suite… Pour la petite histoire, cette loi est appelée loi de Charles, ainsi baptisée en l’honneur de Jacques Charles, qui était arrivé pratiquement à la même conclusion quinze ans plus tôt, mais ne l’avait pas publiée.

Tout en conservant ses fonctions auprès de Berthollet, il est nommé en 1803 adjoint aux répétiteurs de chimie et de physique, puis en 1804 répétiteur du cours d’Antoine-François Fourcroy qu’il remplace souvent. En 1804 avec Jean-Baptiste Biot, il fut chargé par l’Institut de France de vérifier les observations d’Horace-Bénédict de Saussure sur l’affaiblissement du magnétisme dans l’atmosphère en effectuant un voyage en ballon (gonflé à l’hydrogène !). L’ascension eut lieu le 20 août 1804 : on raconte que « la nacelle ressemblait à l’arche de Noé.
On y trouvait à la fois un cabinet de physique, où régnaient boussoles, baromètres, thermomètres, piles de Volta et hygromètres, et une ménagerie de petits animaux : pigeons, hirondelles, grenouilles, reptiles divers, abeilles et insectes variés ». Trop chargé, le ballon ne parvint pas à dépasser 4 000 mètres d’altitude.

Nouvelle tentative

Le 16 septembre 1804, Gay-Lussac fit seul une nouvelle tentative. Parvenu à 3 031 mètres il refit des mesures relatives au magnétisme. A 6 561 et 6 635 mètres il prit des échantillons d’air. Il atteignit l’altitude record de 7 016 mètres. Cet exploit, qui n’a pas été égalé pendant cinquante ans, lui valut plus de renommée que les mesures effectuées. Mais il en ressortit que le magnétisme terrestre ne variait pas sensiblement avec l’altitude et que la composition de l’air était inchangée.

Ces études l’ont amené critiquer son ainé de dix ans, Alexandre von Humboldt, qui avait également publié des mesures sur la composition d’air. Loin de se fâcher avec Gay-Lussac, Humboldt a tout de suite compris l’importance de la précision dans la recherche expérimentale. Bénéficiant de ce que nous appellerions aujourd’hui une année sabbatique, Gay-Lussac entreprit en 1805 avec Humboldt un voyage dans l’ensemble de l’Europe, allant de Rome vers les Alpes, puis Berlin… d’où l’origine des Prix Humboldt – Gay-Lussac décernés annuellement à des scientifiques français et allemands pour resserrer leurs liens de collaboration.

En prélude à ce voyage ils travaillèrent à la détermination du rapport dans lequel l’hydrogène et l’oxygène se combinent pour former l’eau. Ils avaient besoin de ce fait pour établir le pourcentage d’oxygène dans l’air. Ils ont abouti à des résultats remarquablement précis d’un rapport de 100 volumes d’oxygène pour 200 d’hydrogène. Le 11 janvier 1805, il présente à l’Institut sa première loi « Sur les combinaisons gazeuses ». La deuxième loi sera formulée devant la Société philomathique le 31 décembre 1808.
première loi : « Les quantités des corps entrant dans une combinaison chimique quelconque occupent, à l’état de vapeur ou de gaz, des volumes égaux ou multiples, toutes les conditions physiques étant identiques ».
deuxième loi : « Le volume d’une combinaison, à l’état de vapeur ou de gaz, est toujours dans un rapport simple ou multiple avec le volume de chacun des composants (et par conséquent avec la somme de volumes des éléments qui la composent) ».

Une telle formulation aurait pu conduire Gay-Lussac à échafauder les premiers principes de la structure atomique des molécules, mais toujours plus porté vers la science expérimentale que vers la science théorique, il laissera à d’autres le soin de développer les débuts des théories atomiques.

En chimie, avec Louis Jacques Thénard, il prépare de manière pratique le potassium, isolé par Sir Humphrey Davy, par action du fer au rouge sur la potasse (1808). Il en étudie les propriétés et l’utilise pour isoler le bore de l’acide borique. Ils font les mêmes expériences avec l’acide fluorhydrique mais sans parvenir à isoler le fluor. S’ils annoncèrent tout de même son existence, ils préparèrent le trifluorure de bore (« gaz fluoborique ») et l’acide fluorosilicique, et ils affirment que le chlore et l’iode (isolé par Bernard Courtois) sont des corps simples. Au cours de ces recherches, Gay-Lussac subit plusieurs brûlures très douloureuses et fut victime d’un grave accident aux yeux.

Ses travaux sur les cyanures (alors appelés prussiates, dérivés du bleu de Prusse) le conduisent à étudier l’acide cyanhydrique lui-même dont il détermina la composition, l’un des premiers acides ne contenant pas d’oxygène (contrairement à l’opinion de Lavoisier). Dans le cadre de ces travaux, il isola le cyanogène et introduisit la notation actuelle issue de la racine grecque.

Toujours avec Thénard et, plus tard, avec Justus von Liebig lors de son séjour parisien, il améliorera les méthodes de l’analyse organique. A la demande de l’État, soucieux des critères de taxation des alcools trop imprécis pour ne pas faire de mécontents, il met au point en 1830 un densimètre dont les mesures, en degré (d’alcool) Gay-Lussac, sont encore aujourd’hui la seule référence dans le monde entier.

En chimie industrielle, il perfectionne les procédés de fabrication de l’acide sulfurique en introduisant les «tours Gay-Lussac» pour la récupération des oxydes d’azote et de l’acide oxalique. et invente plusieurs méthodes de dosage et plusieurs instruments (dont l’alcoomètre en 1830).

La plupart des travaux de Gay-Lussac ont été publiés dans les Annales de chimie, dont il est le coéditeur avec Arago, dans Les Mémoires d’Arcueil et les Comptes rendus de l’Académie. En plus de ses recherches, Louis Joseph Gay-Lussac fut professeur de Physique à la Sorbonne (Faculté des Sciences) de 1809 à 1832 ; professeur de Chimie pratique à l’École Polytechnique de 1809 à 1840 ; professeur de Chimie minérale au Muséum en 1832 ; député de la Haute-Vienne de 1831 à 1837 et pair de France en 1839. Membre du comité consultatif des Arts et Manufactures depuis 1805, Gay-Lussac est attaché à l’Administration des poudres et salpêtres (1818) et, l’année suivante, à l’Administration de la monnaie.

Il mourut à Paris le 9 mai 1850.

Pensée du jour
« Louis Joseph Gay-Lussac : à tous les degrés, un explorateur des sciences physiques et chimiques gonflé ! »