L'une des plus simples molécules aux quatre éléments essentiels, hydrogène, carbone, azote et oxygène, l'urée présente dans un liquide bien connu de tous les mammifères, est une molécule ubiquiste, indispensable aux organismes des règnes animal et végétal et naturellement à H. sapiens pour satisfaire ses appétits de matériaux plastiques et maintenant ses soucis environnementaux.

L’urée est un composé organique de formule chimique CO(NH2)2. C’est aussi le nom de la famille des composés de formule générale (R1R2)N-CO-N(R3R4) dont elle est la plus simple représentante. L’urée naturelle fut découverte en 1773 par le pharmacien Hilaire Rouelle. Formée dans le foie lors du cycle de l’urée, à partir de l’ammoniac (cf. Ammoniac) qui provient de la dégradation de trois acides aminés (arginine, citrulline et ornithine), l’urée naturelle est éliminée au niveau des reins par l’urine.

En 1828, après avoir maîtrisé la synthèse de l’acide cyanique, le jeune chimiste allemand Friedrich Wöhler (il a 28 ans et vient d’être nommé professeur à l’École professionnelle de Berlin) réussit à obtenir de l’urée, une molécule « organique », terme qui, à l’époque, définissait une molécule produite par le monde vivant. En faisant réagir le cyanate de plomb avec l’ammoniac en présence d’eau, composés minéraux, il obtient le cyanate d’ammonium qui se réarrange en ce composé devenu mythique et écrit triomphalement à Jöns Jacob Berzelius qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des reins d’homme ou de chien pour l’obtenir :

Pb(OCN)2 + 2 H2O + 2 NH3 ———> 2 H2N-CO-NH2 + Pb(OH)2

Avant cette expérience, on considérait que les molécules « organiques » ne pouvaient provenir que de constituants ou de dérivés d’organismes vivants habités par la « force vitale » (vis vitalis). En réussissant cette synthèse de l’urée, Wöhler remet en cause l’existence même de la force vitale qui, pense-t-on alors, différencie le monde vivant du monde minéral. Il démontre également que la chimie minérale et la chimie « organique » sont liées et ouvre le champ de cette dernière, dont le domaine fut dès lors élargi à l’étude de tous les composés carbonés dans lesquels le carbone est associé a minima à de l’hydrogène.

C’est un composé solide, incolore et inodore (sauf en milieu humide, lorsque son hydrolyse produit de l’ammoniaque), très soluble dans l’eau et non toxique. Ses solutions aqueuses ne sont ni basiques, ni acides. A l’état solide, l’atome d’oxygène est engagé dans deux liaisons hydrogène, O—H–N, conduisant à une structure répétitive très ouverte constituée de rubans formant des tunnels de section carrée, capables de piéger des molécules organiques. La formation de ces clathrates permet la purification de différents produits par séparation sélective (kérosène, lubrifiants, paraffines, etc.).

Depuis la synthèse de Wöhler, l’urée est devenue un composé industriel de gros tonnage : la production mondiale approche les 130 Mt/an. L’urée est fabriquée industriellement selon le procédé Bosch-Meiser à partir d’ammoniac et de dioxyde de carbone (cf. Dioxyde de carbone) sur des sites intégrés puisque la synthèse de l’ammoniac nécessite de l’hydrogène dont la production par reformage du méthane (cf. Méthane) puis purification s’accompagne de la formation de dioxyde de carbone.

La réaction de synthèse se fait sous forte pression (140-160 bar) selon les procédés et à des températures de 160-180 °C.

Elle a lieu en deux temps :
– Synthèse du carbamate d’ammonium (NH2COONH4), produit intermédiaire stable uniquement sous haute pression :
CO2 + 2 NH3 ———> NH2COONH4
– Décomposition du carbamate d’ammonium en urée et eau :
NH2COONH4 ———> CO(NH2)2 + H2O

Les réactions ne sont pas totales, mais sont à l’équilibre à la sortie du réacteur sous pression ; la solution réactionnelle contient de l’urée, de l’eau, du dioxyde de carbone et de l’ammoniac. Le procédé consiste ensuite en la séparation des produits de réaction par stripping et distillation. La solution concentrée d’urée est ensuite cristallisée par refroidissant pour former des granulés adaptés à l’usage agricole. Il faut éviter la formation d’un produit de condensation ultérieur, le biuret, H2NCONHCONH2, qui nuit à la croissance des plantes.

La plus importante utilisation (95 %) se fait sous la forme d’engrais azotés. L’urée, qui contient 46 % d’azote, ne pourrait être utilisée comme engrais en raison de son caractère hygroscopique élevé. C’est sa formulation en granulés qui assure la régularité de son épandage.
Sur le plan agronomique, c’est une formulation intéressante, car sa minéralisation est progressive, induite par la présence dans le sol de bactéries (par exemple Nitrosomonas) possédant l’uréase, enzyme catalysant la réaction inverse de la synthèse de l’urée.

Source d’ammoniac, l’urée est aussi employée en alimentation animale, mais des ruminants seulement. En effet, les micro-organismes présents dans le rumen sont capables d’utiliser cette source d’azote pour synthétiser des acides aminés utilisables par le ruminant. Son emploi est particulièrement intéressant en complément de fourrages pauvres en azote (paille, certains fourrages en zone subtropicale…).

Chez l’homme, la gestion de l’urée par les reins est un élément vital du métabolisme. En plus de sa fonction de transporteur de l’azote résiduel, l’urée joue également le rôle de système d’échange à contre courant dans les néphrons, ce qui permet la récupération éventuelle de l’eau et d’ions essentiels de l’urine excrétée. Ce mécanisme qui est contrôlé par l’hormone antidiurétique permet d’éviter la perte d’eau, de maintenir la pression sanguine et la concentration de cations sodium dans le plasma sanguin.

Au niveau industriel, rappelons que l’urée est employée pour l’élaboration de matériaux plastiques thermodurcissables (cf. Méthanal) et d’adhésifs contenant méthanal et mélamine. Une application originale, en plein essor, est son emploi comme additif pour éliminer les oxydes d’azote NOx (cf. Oxydes d’azote) dans les gaz d’échappement des moteurs Diesel ou à gaz pauvre. Ainsi, la technologie Blue Tec consiste en l’injection d’une solution d’urée dans le convertisseur catalytique. L’ammoniac produit lors de l’hydrolyse de l’urée réagit avec les oxydes d’azote (par exemple le monoxyde d’azote) pour les convertir en diazote et eau :
4 NO + 4 NH3 + O2 ———> 4 N2 + 6 H2O

Pensée du jour
« Urée : ammoniac en poudre ! »

Sources
http://fr.wikipedia.org/wiki/Urée
www.societechimiquedefrance.fr/extras/Donnees/mine/eng/cadeng.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Engrais
http://en.wikipedia.org/wiki/Urea
http://de.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Wöhler

Pour en savoir plus
Ammoniac
Dioxyde de carbone
Méthane
Méthanal
Oxydes d’azote